Les prix des immeubles en construction ont baissé de seulement 1,2 % l’année dernière. Photo P.H.B.
LIBAN – RAPPORT
Selon un récent rapport, les acheteurs seraient désormais davantage en position de force pour obtenir des remises des promoteurs. Mais cette tendance ne devrait pas s’amplifier.
Depuis le début de l’année, les chiffres des transactions immobilières fournis par le cadastre semblent laisser apparaître une reprise du marché. Sur les huit premiers mois de l’année, leur nombre aurait augmenté de 2 % en glissement annuel – à 40 587 – tandis que leur valeur totale se serait appréciée de 6,5 % à 5,4 milliards de dollars. Par conséquent, la valeur moyenne de ces transactions a, elle, augmenté de 4,4 % en glissement annuel à près de 130 000 dollars.
Cependant, selon un rapport publié la semaine dernière par Bank Audi, cette inversion de tendance par rapport à une année 2015 très modeste ne paraît pas en mesure de compenser le déclin observé depuis les années fastes 2006-2010, lorsque « les prix augmentaient de 35 % par an ».
L’une des conséquences de ce changement d’ère se refléterait sur les comportements des acteurs, avec un rapport de force plus favorable côté demande. « Avec de plus en plus de biens immobiliers à vendre et un climat peu propice aux investissements, les acheteurs deviennent plus difficiles et savent que la balance penche en leur faveur. Les rabais sont ainsi plus facilement obtenus », affirment les auteurs de l’étude. Elle mentionne notamment que les remises accordées par les promoteurs oscillent entre 5 et 15 % à Beyrouth.
L’importance de ces ristournes dépend des quartiers, explique Christian Baz, PDG de l’agence immobilière Baz Real Estate. Si elles peuvent atteindre 15 % dans les beaux quartiers comme Achrafieh, elles montent parfois jusqu’ à 20 % dans des quartiers moins en vue tel Karm el-Zeitoun.
Selon le rapport, ce sont les acheteurs d’appartements spacieux et luxueux qui bénéficient des rabais les plus importants. Un point de vue partagé par Ahmad al-Khatib, directeur général de l’agence Century 21. « Les rabais peuvent atteindre 20 % à Achrafieh, Verdun, Solidere… »
Moins d’achats étrangers
Par conséquent, doit-on s’attendre à une chute importante des prix à venir ? Tel était notamment l’avis du consultant financier Jihad el-Hokayem, qui annonçait une chute drastique des prix – aux alentours de 40 % – à court-moyen terme. Un effondrement qui serait notamment corrélé à la baisse du pouvoir d’achat de la diaspora libanaise, notamment celle résidant dans le Golfe, et la fuite des investisseurs étrangers. Selon le cadastre, ces derniers n’étaient impliqués que dans 1,6 % des transactions sur les huit premiers mois de 2016, contre 2,4 % pendant la même période l’année dernière.
Parallèlement, la demande des résidents libanais continue aussi de baisser. Selon le dernier indice de la demande sur le marché de l’immobilier de la Byblos Bank publié début septembre, elle a baissé de 8,3 % au deuxième trimestre 2016 par rapport au premier.
Reste que pour les analystes de Bank Audi, l’hypothèse d’un effondrement des prix est peu probable. Notamment en raison de certains facteurs structurels comme la rareté des terrains disponibles (surtout à Beyrouth) et le fait que « la grande majorité (des Libanais) achète ou a l’intention d’acheter pour pouvoir vivre dans son bien immobilier », plutôt que pour spéculer, avance le rapport.
Du coup, les promoteurs ne sont pas enclins à revoir trop fortement leurs prix pour vendre rapidement. Une étude de l’agence de conseil immobilière Ramco, citée par Bank Audi, indique que les prix des appartements en construction n’ont diminué que de 1,2 % en 2015 (contre -0,7 % en 2014). Toujours selon cette étude, seulement 30 % des promoteurs ont baissé leurs prix, tandis que 57 % ne les ont pas changés et 13 % les ont augmentés.
« Les promoteurs investissent en général leur propre argent, donc n’ont pas les banquiers à dos, et préfèrent attendre », commente Christian Baz. Selon lui, la pratique des rabais ne va pas s’accentuer : « Le Liban est un petit pays. Si un promoteur baisse les prix pour liquider son stock, ses confrères vont penser que ses affaires vont mal… »
« Les prix vont recommencer à augmenter à un moment, bien qu’il ne soit pas clair à quelle date », conclut le rapport, qui mentionne la stabilisation politique locale et la fin du conflit syrien comme les facteurs potentiels majeurs de redécollage.